

La mise en procédure collective du preneur à bail commercial résulte d’une décision du tribunal de commerce.
On parle usuellement du « jugement d’ouverture ». Il déclenche l’application de règles protectrices du débiteur qui sont contenues dans le livre VI du Code de commerce.
Quels en sont les principaux effets du point de vue du bailleur et de son gestionnaire ?
Tout d’abord, aucune résiliation d’un contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire à l’encontre du locataire. Toute clause contraire est réputée non écrite.
La deuxième règle applicable est l’arrêt des poursuites individuelles jusqu’au terme de la procédure, plan de continuation compris. Toute action visant à recouvrer les loyers impayés,ou tendant à la résolution du bail pour défaut de paiement d’un terme de loyer antérieur à l’ouverture de la procédure est ainsi interdite ou suspendue.
Pour préserver son droit, hypothétique, à recouvrer les loyers impayés, le bailleur doit impérativement effectuer auprès du mandataire judiciaire, une déclaration du montant de sa créance au jour du jugement d’ouverture.
Il dispose, sauf exception, d’un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, pour effectuer cette déclaration.
Enfin, contrairement aux autres créanciers, le bailleur ne dispose pas du droit de mettre en demeure l’administrateur ou le liquidateur d’opter sur le sort du bail commercial, et ainsi d’invoquer la résiliation de plein droit du contrat en cours en cas de non-réponse.
En résumé, le bail commercial en cours est sous le contrôle total du mandataire de justice.
Quels sont les pouvoirs du mandataire judiciaire ?
Il peut résilier le bail. La résiliation prend effet le jour où le bailleur en est informé. Ce dernier pourra demander des dommages et intérêts pour résiliation anticipée et déclarer sa créance au passif. Le bailleur pourra le cas échéant poursuivre l’expulsion du locataire et réclamer le paiement d’indemnités d’occupation jusqu’à restitution du local.
Le mandataire peut décider de continuer le bail, sans être obligé d’en informer formellement le bailleur, mais à la condition de disposer des fonds nécessaires pour payer le prochain terme de loyer.
Que se passe-t-il si les loyers postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure ne sont pas payés ?
Le bailleur dispose de plusieurs options, mais il ne peut en tout état de cause les enclencher qu’après l’écoulement d’une période de trois mois suivant le « jugement d’ouverture ».
Une fois ce délai échu, le bailleur dispose d’une action spéciale qui lui permet de requérir du juge-commissaire la constatation de la résiliation du bail. Mais attention ! Ce juge ne peut pas prononcer l’expulsion du locataire, et le bailleur devra saisir le juge des référés ou de l’exécution pour l’obtenir.
C’est pourquoi les praticiens conseillent de lancer simultanément une procédure « classique », c’est-à-dire une demande au juge des référés, président du tribunal judiciaire, de constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail. S’il n’y a pas de clause résolutoire dans le bail, une action dite “directe” en résiliation judiciaire pourra être mise en œuvre, mais elle sera beaucoup plus longue, donc moins pertinente que la requête auprès du juge-commissaire.
Quel est le sort des loyers impayés antérieurs au jugement d’ouverture ?
Le bailleur peut potentiellement voir sa créance honorée, en fonction du scénario de la procédure.
Si le locataire en redressement ou sauvegarde a bénéficié d’un plan de continuation, ce dernier peut prévoir le règlement de la créance du bailleur selon un calendrier précisé dans le plan. Le bailleur recouvre son droit de poursuite individuelle en paiement, après la fin du plan si des créances sont restées impayées.
En cas de liquidation du locataire, la créance du bailleur ne pourra être réglée que dans le cadre de la distribution de l’actif réalisé par le liquidateur. La créance d’un bailleur n’arrive qu’au rang n°14 parmi l’ordre légal des créanciers, sachant que ce rang lui-même comprend deux autres créanciers potentiels à égalité. Il a donc peu de
chance de se faire payer en général.
Quel est le sort des loyers impayés postérieurs au jugement d’ouverture ?
D’une part, contrairement aux loyers antérieurs au “jugement d’ouverture”, le bailleur peut exiger le paiement de cette créance, trois mois après le jugement d’ouverture, au besoin judiciairement. Il pourra alors le cas échéant supplanter les autres créanciers.
D’autre part, en tant que créance utile à la poursuite de l’activité, elle sera considérée comme “super privilégiée” dans le cadre d’une distribution d’actif suite à la liquidation du locataire, bien qu’elle soit au dernier rang de la liste des créances “super privilégiées”.
Pour conclure, il est conseillé au bailleur de se faire accompagner par un avocat spécialisé, particulièrement lorsque le mandataire judiciaire entend continuer le contrat de bail.
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